Livres ayant pour thème ou cadre l'Asie du Sud-Est

Mon enfance au Siam (1913 - 1933)

Disponible
Kumut Chandruang
Mémoires
13 x 19 cm
220 pages
ISBN 979-10-91328-49-4
20 €
frais de port inclus (France et  international)
Expédié sous 4 à 5 jours

Résumé

Kumut, jeune Thaïlandais parti étudier dans une prestigieuse université américaine, se lance dans l’écriture de courts récits. Il évoque l’enfance de son père – un juge dont les affectations successives l’amènent à se déplacer avec ses trois épouses et leur progéniture dans différentes provinces du Royaume –, puis nous décrit la vie quotidienne, avec ses hauts et ses bas, d’une famille issue de la classe moyenne.

Ces Mémoires, rédigés dans un style simple et éloquent, avec humour et une vivacité pleine de charme, reflètent la culture et les mœurs de la Thaïlande d’il y a un siècle. Le lecteur s’apercevra que si certaines choses ont beaucoup changé, d’autres semblent immuables

L'auteur

Kumut Chandruang (1913 – 1998) était un écrivain et dramaturge thaïlandais. Membre oublié des Forces thaïlandaises libres, cet intellectuel est surtout connu pour avoir été le premier auteur de Thaïlande à écrire en anglais. Citoyen du monde avant l’heure, il entreprit et réussit avec Mon enfance au Siam un coup de maître : rédiger une fresque de son époque tout en lui donnant un caractère intimiste.

« Notre peuple ne se préoccupait jamais d’injustice ou de répartition inégale des richesses, or mon père prédisait qu’un jour viendrait où ce peuple exigerait des changements. »

« Où que nous allions, quoi que nous fassions, nous aimions par-dessus tout manger. Une fête n’était pas une fête si elle n’était pas pimentée d’animations. Même si nous aurions pu rester à la maison et manger, cela aurait été moins drôle. »

« Grand-mère avait arpenté tout le pays en compagnie de sa troupe théâtrale. Elle affirmait que les hommes ne lui avaient jamais fait peur. Dans maints lieux sauvages, elle s’était munie d’une épée et avait défié des hommes en duel. »

Traduit de l’anglais par Marie Armelle Terrien‑Biotteau

Extrait

Mon enfance au Siam ; 1913 – 1933

Mémoires de Kumut Chandruang

 

1

Mes ancêtres

 

L’année de mes 7 ans, notre famille se rendit de Nakorn Sawanka à Supan Buri pour visiter notre terre ancestrale à l’occasion de la crémation de mon arrière-grand-mère Chandra, qui était décédée vingt ans avant ma naissance. Il est habituel chez nous de garder les défunts dans un stoupa pendant quelques années avant la crémation.

Le voyage dura deux semaines entières car nous avons dû emprunter de nombreux détours. S’il y avait eu une route directe entre Nakorn Sawanka et Supan, nous n’aurions pas eu plus de cent soixante kilomètres à parcourir. Mais étant donné qu’aucune route n’avait encore été construite, nous avons dû nous accommoder d’un bateau à vapeur pour naviguer sur un fleuve tortueux dont le lit nous écartait souvent de notre direction. Parmi nos accompagnateurs, il y avait mes parents, Grand-mère Lieb, Grand-tante Nuang, mes deux jeunes frères, une douzaine de domestiques et de bonnes plus une demi-douzaine de membres d’équipage.

Mon père était le Premier juge de la province de Nakorn Sawanka. C’était la première fois qu’il visitait son lieu de naissance depuis qu’il s’en était enfui, vingt-deux ans auparavant.

Je ne me rappelle que vaguement notre voyage jusqu’à Supan Buri. Je ne me souviens nettement que des jacinthes d’eau qui poussaient de façon si dense qu’elles se prenaient dans l’hélice de notre bateau à vapeur et nous empêchaient d’avancer. Le moteur devenait souvent inutile et l’équipage devait utiliser des avirons ou débarquer sur la rive et tirer le bateau avec un cordage. De temps à autre, nous, les enfants, venions en aide aux domestiques en ramassant les herbes afin de dégager un petit canal pour que le bateau puisse progresser. Grand-mère Lieb nous raconta que de son temps, il n’y avait pas d’herbes dans le fleuve, mais Sa Majesté le roi Chularlongorn avait visité Java et en avait rapporté ces herbes pour les faire pousser dans le fleuve. Ces plantes donnaient de belles fleurs mauve clair, mais elles poussaient à foison et si rapidement qu’elles occasionnaient de gros problèmes de navigation.

Le deuxième jour de notre périple, en luttant contre les herbes, mon second frère se fit mordre par un poisson-globe ; après quoi il montra moins d’enthousiasme pour nous aider. Je fis moi-même une expérience désagréable avec une sangsue qui s’accrocha fermement à ma jambe pendant une demi-heure. J’appris rapidement qu’il était moins dangereux d’aller dans les endroits sablonneux, où l’eau était claire, que dans les endroits boueux où les buffles aimaient se baigner.

Les régions que nous traversâmes offraient une variété de beaux paysages. L’herbe haute poussait partout ; çà et là, s’élevaient de gigantesques yang, arbres dont les graines aux longs sépales en forme de plumes tombaient du ciel telles des étoiles filantes.

De temps à autre, notre bateau à vapeur nous amenait dans des communautés accueillantes. On nous offrit un repas matinal au village de l’Ananas, un déjeuner dans la vallée de la Canne à Sucre, un dîner au hameau de Suan Lam Yai. Les noms donnés à ces lieux évoquaient les produits locaux cultivés par les autochtones. Nos domestiques semblèrent apprécier notre passage au verger des Palmiers à Sucre, car les villageois leur donnèrent un peu du délicieux rhum qu’ils fabriquaient à partir du sirop de palmier. Nous avons été bloqués au verger pendant dix-huit heures car tous les membres de l’équipage s’étaient enivrés au point d’être incapables de faire fonctionner le bateau.

Ce voyage aurait été plus intéressant si les Vieilles Grands-mères ne s’étaient pas autant plaintes du temps, des moustiques et des domestiques. Mais je pense qu’il est naturel que les vieilles femmes deviennent acariâtres, qu’elles soient chez elles à ne rien faire ou en voyage. Mes parents étaient toujours joyeux. Mon père chantait pour divertir l’équipage, ou alors il nous racontait des histoires intéressantes sur sa jeunesse. Ma mère ne se plaignait jamais des difficultés ; elle parlait très peu, mais souriait beaucoup.

Grand-tante Nuang ne vivait pas avec nous. Elle se joignit à nous uniquement pour ce périple vers notre terre ancestrale. En raison de son âge avancé, elle maugréa beaucoup contre les douleurs qu’elle éprouvait un peu partout dans son corps. Grand-mère Lieb, elle, vivait avec nous – et c’était la plus difficile de toutes. Marraine de ma mère, elle n’avait pas d’enfants et aimait ma mère comme sa fille. Mais elle n’avait pas fréquenté l’école et c’est pourquoi son amour semblait quelque peu déraisonnable. Par exemple, Grand‑mère Lieb était très jalouse de toute femme qui s’approchait de mon père, bien que ma mère elle-même y fût indifférente.

Grand-mère Lieb menait une vie très compliquée. Elle partageait son mari avec Grand-tante Nuang. Cependant, ces deux Vieilles Grands-mères ne se jalousaient pas : je crois que cela tenait au fait qu’elles ne vivaient pas sous le même toit et que Grand-oncle Pin, leur mari, leur rendait rarement visite. Grand-oncle Pin était l’oncle de mon père, et cela contribuait encore davantage à compliquer les relations. Grand-oncle Pin était vagabond, prospecteur, aventurier et romantique. Il voyageait dans tout le pays en quête d’or, de pierres précieuses, d’étain et de trésors rares. Il abandonna ses femmes un peu partout dans le pays. Je dois avouer qu’il m’est impossible de suivre la trace des nombreuses grands-tantes que j’ai eues. Cependant, Grand-mère était gentille avec nous tous, les enfants.

Bien qu’elle n’eût pas fréquenté les bancs de l’école, elle venait d’une très bonne famille et d’un milieu culturel distingué. J’emploie le mot distingué car elle était plutôt fière de ses origines. Son père était un Phya, un rang noble. Cependant, à mes yeux, elle ne faisait pas montre du même raffinement que ma mère. Elle arborait donc une culture empreinte de distinction mais peu raffinée. Je pense que Grand-mère avait peut-être connu une vie assez rude et aventureuse. Jeune, belle femme gracieuse, elle avait été danseuse à la Cour royale. Malgré son âge avancé, Grand-mère avait encore une peau douce et hâlée, dépourvue de rides. Mais à l’instar de toutes les autres actrices, elle manifestait beaucoup de sautes d’humeur. Les danseuses ne jouissaient pas d’une bonne considération en Thaïlande, et Grand-mère était hypersensible quant à sa réputation passée. Un jour, un de nos domestiques fit une remarque sur une danseuse avec laquelle il avait flirté. Grand-mère lui demanda de s’approcher d’elle et le gifla. Plus tard, elle lui expliqua qu’elle avait été danseuse autrefois et qu’à l’avenir, il ferait bien d’être plus prudent lorsqu’il s’exprimerait devant elle. Grand-mère était véritablement une femme du monde. Elle avait arpenté tout le pays en compagnie de sa troupe théâtrale. Elle affirmait que les hommes ne lui avaient jamais fait peur. Dans maints lieux sauvages, elle s’était munie d’une épée et avait défié des hommes en duel. Pendant notre enfance, elle nous enseigna quelques ficelles en matière d’escrime. De même, si elle était de bonne humeur, elle acceptait de danser pour nous sur une musique jouée par mon père.

Lorsque Grand-mère et Grand-tante se retrouvaient, à part cancaner sur les histoires privées de la famille et de leurs amis, elles dévoilaient fréquemment des souvenirs du bon vieux temps. Nous, les enfants, en les écoutant, avions acquis une connaissance de l’histoire de notre famille. Si un incident qu’elles relataient semblait tiré par les cheveux, nous ne le mettions pas en doute mais nous nous tournions doucement vers Père. Lui, en bon intellectuel, donnait une explication plus logique et moins présomptueuse. […]

 

Traduit de l’anglais par Marie Armelle Terrien‑Biotteau.

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