Livres ayant pour thème ou cadre l'Asie du Sud-Est

Babae

Disponible
Fanny Laurent
Roman
13 x 19 cm
188 pages
Cinq femmes philippines
ISBN 978-2-494118-27-0
20 €
frais de port inclus (France)
24 €
frais de port inclus (international)
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Résumé

Des ruelles suffocantes de Manille aux rizières escarpées de la Cordillère, en passant par les plages des Visayas, Babae esquisse un portrait des Philippines contemporaines à travers le destin de cinq femmes que tout oppose.

Pretty échappe aux affres du bidonville grâce à son imagination ; Cecilia s’enlise dans le confort glacé de son expatriation ; Anita, malgré les dettes qui l’écrasent, s’accroche à sa terre ; Maria se voit déjà briller sous les projecteurs tandis que Whang-od consigne la mémoire de tout un peuple.

Une fillette des rues, une trentenaire désabusée, une paysanne courageuse, une jeune idéaliste talentueuse et une tatoueuse centenaire : entre rêves d’ailleurs et traditions ancestrales, ces cinq femmes philippines cherchent à survivre, à se réinventer ou à se souvenir. À travers leurs voix singulières, ce roman choral explore l’identité, la transmission entre générations et la sororité.

L'auteur

Fanny Laurent a grandi à Meyzieu et fait ses études à Lille. Elle est passionnée par l’Asie du Sud-Est, où elle se rend régulièrement dans le cadre professionnel et personnel.

Elle a vécu en Inde, au Canada, en Australie puis à la Réunion, avant de s’installer à Lyon où elle travaille aujourd’hui dans le secteur du tourisme.

Après Eldorado, Ganga et Déracinés, Babae est son 4e roman. Ses thèmes de prédilection sont bien sûr le voyage, mais aussi la famille, la transmission, l’exil et le féminisme.

Extrait

Babae – Cinq femmes philippines

Roman de Fanny Laurent

 

1 – Introduction

Une légende philippine raconte qu’il y a bien longtemps, la Lune et le Soleil se marièrent, et de cette union naquit une myriade de fils et de filles : les étoiles. Le Soleil aimait tant ses enfants qu’il voulait sans cesse les serrer dans ses bras  ; mais la chaleur qu’il émettait était si forte qu’en leur témoignant son amour, il les brûlait instantanément. La Lune, qui ne supportait plus de perdre ses petits, défendit à son mari de les approcher. Mais un jour, profitant de l’absence de la Lune, le Soleil lui désobéit et embrassa les étoiles, les enlaça, en blessant certaines et tuant d’autres. Lorsque l’épouse du Soleil revint et constata le désastre, elle entra dans une colère noire. Armée d’une branche de bananier, elle voulut le frapper pour le punir, mais l’astre coupable riposta d’une poignée de sable qu’il lui lança à la figure. C’est pourquoi la Lune a le visage grêlé. Depuis ce jour, mari et femme ne cessent de se poursuivre dans le ciel, sans jamais parvenir à se rattraper.

 

 

2 – Maria

— Car ce soir… You’re The Starrr!

Le ronronnement félin de la présentatrice, assorti d’un froncement de sourcils aguicheur, marque la fin de l’émission. La caméra bondit, abandonnant les gros plans sur les visages des candidats en proie à l’émotion pour englober tout le plateau télévisé de son œil omniscient. Avec réticence, Maria saisit la télécommande et la dirige vers le petit poste qui est resté allumé toute la journée. Il est temps de rejoindre ses amis.

Elle enfile ses vêtements d’un geste allègre en prenant bien soin de ne pas déranger sa coiffure et son maquillage qu’elle veut léger : le dessin de ses sourcils à peine épilés souligne son regard ambre, une couleur rare chez les Philippins. Ses cils naturellement retroussés ne nécessitent pas qu’on les agrémente d’une frange artificielle ; de plus, les faux cils la démangent et finissent souvent par se détacher, ce qui ne manque jamais de provoquer la surprise de son interlocuteur. La relative fraîcheur de février lui permet de laisser flotter ses cheveux sur les épaules. Il lui a fallu de nombreux mois pour qu’ils atteignent cette longueur, c’est un atout qu’elle aime mettre en avant. Une dernière couche de poudre pour parfaire son teint, sous le regard interrogatif d’un gecko, et la voilà qui enfourche son scooter et cahote sur les routes défoncées qui mènent à la plage.

En pénétrant dans le bar, un garçon la dépasse, les yeux dardés sur ses jambes musclées, avant de lever le menton et d’esquisser un mouvement de recul. Avec une moue moqueuse, Maria lui adresse un battement de paupières provocateur  ; ses hanches étroites et ses attaches fines font tourner les têtes, elle en a conscience. Cela ne manque jamais de l’amuser lorsqu’elle constate que la plupart des hommes sont attirés par des silhouettes androgynes, qu’ils sont rebutés par des seins lourds, des fessiers charnus, des courbes affirmées, comme spontanément dégoûtés par les attributs féminins. Perdue dans ses réflexions, elle ralentit le pas et tarde à remarquer Soli et ses mouvements frénétiques qui l’invitent à rejoindre une tablée animée. Soledad, son binôme, sa meilleure amie, la malnommée : Maria n’a jamais rencontré quiconque d’aussi sociable que cette pétulante jeune femme aux joues rebondies, dont la teinte de cheveux varie en fonction de son humeur. Ce soir, elle arbore une flamboyante crinière d’un blond vénitien.

— On t’attend depuis plus d’une heure  !

— Tu sais bien que je ne pouvais pas louper la demi-finale…

Soli pousse un cri qui fait sursauter le timide serveur. Le pauvre garçon abandonne temporairement sa tentative de prendre les commandes.

— Alors  ?

Maria jubile. Elle regarde beaucoup de télé-crochets, mais You’re The Starrr est l’émission qu’elle ne manque sous aucun prétexte. Le parcours des candidats, saison après saison, n’a aucun secret pour elle  ; elle décortique leur profil et leur évolution, prédit leur destin et suit avidement leurs succès et leurs ratés – pour les rares élus qui ne sombrent pas dans l’oubli une fois le programme clôturé.

— Sans surprise, Angelina a chanté un énième tube de Whitney Houston…

— Ça m’étonnerait que Sharon ait apprécié  !

Comme elle, Soledad connaît non seulement le nom, mais aussi le caractère des jurés. Maria confirme :

— Tu aurais vu sa grimace  ! Mais Aurora a interprété The Moment You Were Mine[1], et ils avaient les larmes aux yeux  !

— C’est donc elle qui est sélectionnée pour la finale  ?

La jeune fille acquiesce de nouveau. Comme à son habitude, elle a choisi sa favorite pour cette saison de You’re The Starrr dont elle visionne chaque épisode avec passion. Angelina avait ses faveurs et lui paraissait pourtant bien partie, elle imite la voix de Whitney à la perfection, on croirait reconnaître les trémolos de la chanteuse américaine lorsqu’arrive son tour de chanter. Mais Sharon, qui éclipse tous les autres jurés par son charme et sa célébrité, lui a semblé dubitative à l’écran. Au moment du vote, elle s’est montrée impitoyable envers Angelina et l’a éliminée sans autre forme de procès : Maria se fie à son jugement, toujours affûté, toujours pertinent, quoique cruel, parfois.

— Donc une bonne stratégie est plutôt d’interpréter des chansons philippines  ?

— Philippin ou non, réfléchit Maria à voix haute, le morceau avait pour qualité d’être… dépouillé, tu vois, peu prétentieux. Nu. Plus authentique  ! Et son authenticité a touché le jury.

Avec une moue sceptique, Soli rétorque :

— Ce n’est pas avec une ballade que tu peux vraiment faire étalage de la puissance de ta voix…

— Je crois que pour plaire au public, il faut plutôt définir ton style et l’imposer progressivement. Regarde Sharon : elle a d’abord démontré qu’elle pouvait absolument tout chanter, avant de doucement glisser vers les chansons d’amour, et ce style de diva…

Sharon Pineda est le sujet de conversation préféré de Maria. Là-dessus, son érudition est intarissable. Sans s’interrompre, elle adresse un geste rassurant au serveur qui s’est réfugié dans un coin du bar, effarouché par tant d’exubérance. Pour suivre les traces de sa chanteuse fétiche, Maria s’est installée sur cette île perdue des Visayas d’où la star est originaire. Il convient de dire que le destin de Sharon n’est pas des plus communs. Après une enfance difficile, élevée par un père criblé de dettes, elle fut repérée par une productrice de télévision, remporta plusieurs compétitions de musique puis campa de nombreux rôles dans des films philippins et étrangers. La petite fille qui subsistait à grand-peine d’un paquet de biscuits par jour vit à présent dans une villa à Cebu – quand elle ne lui préfère pas son loft à Los Angeles. Si elle s’est mariée à deux reprises, nul homme ne l’a aidée, et tous ceux qui l’ont entourée se sont révélés incapables de prendre soin d’elle. La légende de Sharon bouleverse et inspire Maria, qui scrute avec attention la moindre de ses mimiques à l’écran et réussit généralement à deviner vers quel candidat son cœur balance.

Les deux amies poursuivent leur débat jusqu’à l’interruption de Marco, qui apostrophe Maria en cebuano pour lui demander si elle compte chanter quelque chose. Ce dialecte qu’elle a d’abord trouvé grossier, elle le parle désormais plutôt bien, lui préférant tout de même le tagalog, tout de suite plus distingué. Soli et elle devisent généralement en anglais, la langue universelle. Sa meilleure amie est si cultivée  ! L’ifugao s’est peu à peu positionné dans son esprit comme le langage du village, de sa mère, des brimades du lycée et des sermons du directeur. La jeune fille rit, séduite par la figure agréable de Marco. Sa carrure massive lui confère une aura virile : c’est l’archétype du mec, du vrai.

— Je ne travaille pas ce soir  ! Mais je peux t’accompagner au karaoké si tu veux. Je peux chanter même pendant mon temps libre.

Et les voilà qui feuillettent l’épais catalogue fourni par le serveur ayant réussi à vaincre son émoi. Chaque option est passée en revue et étudiée avec attention, même si Maria pourrait réciter par cœur la liste de chansons proposées. Sur scène, elle reconnaît José, un garçon de Cebu arrivé sur l’île y a plus d’un an et qui n’est jamais reparti. Sa présence oisive suscite les commérages, on se demande comment il subvient à ses besoins – surtout son besoin de Tanduay[2] qui supplante largement les autres. Et ensuite  ? Qui cela regarde, que José vive à crédit, qu’il ait braqué une banque ou bien qu’il ait hérité  ? Il a raison d’en profiter et de sucer l’existence jusqu’à la moelle, d’être heureux tout simplement. Pourquoi faudrait-il obligatoirement souffrir, expier une faute inconnue  ? Les gens voudraient que la vie de tous soit aussi difficile que la leur, cela les soulage de vérifier que leur misère est partagée, c’est ce que Maria soupçonne alors que José massacre allègrement l’un des plus beaux morceaux des Beatles.

Let it be, let it c, let it d, oh, letter e

Elle éclate de rire, et referme d’un claquement sec le catalogue après avoir jeté son dévolu sur une complainte de Mariah Carey. Les romances dramatiques font vibrer son cœur – malgré sa faible expérience dans le domaine. Si le son de sa voix peut traduire les sentiments les plus subtils et les plus profonds, elle-même n’a jamais connu l’amour. Elle arrache Soli à son petit ami et les deux jeunes femmes se dirigent vers le panonceau « CR[3]  » afin de se refaire une beauté. Maria fredonne : où qu’elle se rende, une chanson l’accompagne. En sortant le poudrier de son sac à main, elle se rapproche du miroir jusqu’à ce que sa respiration forme une buée sur la surface polie.

— Je l’ai rasée ce matin… et on la devine déjà qui repousse, soupire-t-elle en tamponnant l’ombre de sa moustache naissante.

Quand elle pense à ses frères dont elle a vu les mentons s’orner tardivement et péniblement de quelques poils évoquant une aisselle, elle râle. L’existence se révèle parfois bien ironique  ! Le teint de nouveau unifié, elle contemple son reflet avec satisfaction et rejoint sa table bras dessus, bras dessous avec sa meilleure amie, chaloupant sur ses talons compensés. Après José, c’est à son tour de chanter avec Marco. Maria trépigne.

There will be an answer… Jollibee[4] !

Sur ce trait d’esprit final, José adresse une révérence à la foule hilare avant de laisser sa place sur scène à Marco et Maria. Un tressaillement familier saisit la jeune femme alors qu’un projecteur blafard se braque sur elle. Les clients réguliers reconnaissent la chanteuse, l’acclament ; un homme la filme avec son téléphone. Elle lui envoie un baiser. Avec Marco, sa voix grave et son accent rugueux, ils forment un duo idéal. L’allure macho de son partenaire révèle en elle un surplus de féminité, une interprétation différente du genre, plus intense, à laquelle son public ne reste pas insensible. Et elle le lui rend bien : chaque fois qu’elle grimpe sur une estrade, chaque fois que les premières notes d’un morceau se font entendre, une excitation invraisemblable parcourt tout son être.

La première inspiration, c’est ce qu’elle préfère : elle ressent à cet instant précis un formidable élan, une énergie qui naît de la base de sa colonne vertébrale, comme un serpent qui s’éveille, jusqu’à jaillir au sommet de son crâne. Alors tout son corps paraît scintiller, et son aura s’épand. Maria occupe la scène en véritable star : le public n’existe plus. Elle oblitère les encouragements bruyants et paillards pour se concentrer sur les notes qu’égrène l’enceinte grésillante et sur ce qui commence à bouillonner au fond d’elle. Le chant émis par sa gorge provient en réalité de son ventre, de ses entrailles les plus profondes, ce chant-là, c’est la vibration de son être qu’elle accorde et qu’elle module selon la tonalité du morceau. C’est la traduction de son for intérieur. Plus question de rire ou de se tourner en ridicule : pour Maria, la musique, c’est sa vie.

Comment, dès lors, obéir aux prédications de sa mère  ? Anita pense qu’elle est venue ici pour suivre un cursus d’infirmière dans l’un de ces nombreux instituts d’État qui émaillent les Philippines. On promet aux parents que leurs filles se verront attribuer l’un de ces diplômes qui abolissent les frontières, on leur fait miroiter des salaires mirobolants et des conditions de travail presque reposantes. N’est-ce pas le rêve de toute mère pour son enfant  ? Mais Maria a un tel appétit de vivre qu’elle ne saurait se conformer à un ordre hiérarchique ni à des horaires à rallonge dans des locaux éclairés au néon. Trimer au chevet de patients agonisants, côtoyer la maladie et s’acharner à freiner la progression de la mort lui semble vain, et si éloigné de sa nature insouciante. De toute façon, toutes les orientations professionnelles lui paraissent ternes. Rentrer dans l’une des cases étroites qui lui permettraient d’obtenir le sacro-saint visa pour les États-Unis représente un effort de contorsion trop important. On attend des Philippines qu’elles torchent des grand-mères séniles ou qu’elles élèvent les rejetons d’hommes d’affaires débordés… Or la vocation de Maria n’est pas de prendre soin du monde entier. Sa vocation est d’apporter de la lumière et de la beauté grâce à sa voix, tel un oiseau farouche qu’aucune cage ne saurait enfermer. Parfois elle se demande comment sa famille prendra la chose, car il faudra bien qu’un jour ils découvrent la vérité. On verra bien à ce moment-là. Bahala na ![5]

Alors, le soir, elle chante et danse pour éclairer la nuit. Le salaire s’avère correct, même s’il n’atteint guère le niveau de celui de sa sœur aînée qui travaille en Australie. Mais la plupart des emplois sont interdits à Maria. Dès qu’un recruteur la reçoit, il plisse les yeux, tend l’oreille, et le verdict tombe tel un couperet, inéluctable : on ne veut pas de gens comme elle dans les bureaux. On lui donne du «  monsieur  ». On lui a même refusé un poste de vendeuse par téléphone  ! Maquillage, coiffure, timbre de voix, Maria passe pourtant des heures à se grimer, se polir, se sculpter. Avec l’argent que sa sœur lui envoie et celui qu’elle gagne au bar, elle achète ses hormones et se fait violence pour suivre la posologie, escomptant bientôt pouvoir tromper son monde. Elle en a vu des copines abuser des œstrogènes aux effets secondaires désastreux. Le médecin a récemment diagnostiqué chez Gloria, la petite amie de Marco, une maladie du foie qui l’empêche désormais de boire la moindre goutte d’alcool. Et c’est vrai qu’il est tentant de vouloir accélérer le processus tant leurs poitrines restent désespérément plates, tant leurs muscles persistent à saillir et leurs poils à pousser.

L’opération mammaire  ? Hors de sa portée, du moins pour l’instant. Devrait-elle, pour rassembler les centaines de milliers de pesos nécessaires, accepter les avances que certains clients titubants lui glissent à l’oreille lorsqu’ils s’apprêtent à rentrer chez eux  ? Sa collègue Baby ne s’en prive manifestement pas, elle qui arbore une paire de seins flambant neuve, des ajouts capillaires naturels et de nouveaux vêtements tous les soirs. C’est d’ailleurs presque trop, on devine le garçon qui veut jouer à la fille. Baby sait comment se blottir tout contre les hommes les plus riches de l’île – et ils sont nombreux à venir s’encanailler dans le bar où elles travaillent. Maria n’émet aucun jugement : chacun dispose de son corps comme il l’entend. Le sexe, ce n’est pas son truc, voilà tout. Les autres trans travaillent dans des salons de coiffure ou d’esthétique : à force de camouflage permanent, elles passent maîtresses dans l’art d’embellir les corps féminins. Pourtant, ni Ellen, ni Gloria, ni Lisa ne gagne autant d’argent que Baby, dont les poignets s’alourdissent d’or nuit après nuit…

Soli lui a raconté qu’ici, les médecins apprennent les techniques de réassignation sexuelle en regardant des vidéos postées par des chirurgiens américains sur Internet. Bien qu’elle soit née femme, sa meilleure amie en connaît un rayon à force de traîner avec des trans. De plus, la famille dont elle est issue et le milieu estudiantin dans lequel elle évolue expliquent sa culture si étendue.

— Rien n’a changé depuis le temps des ilustrados[6], analyse-t-elle : on s’instruit à l’étranger, en copiant nos voisins, incapables de développer nos propres compétences  !

Leur plus grande force  ? Cette solidarité qui les lie. Maria n’est jamais seule – d’ailleurs les gens seuls, au bar, au restaurant ou même dans la rue, suscitent en elle un profond sentiment de pitié. Sa compagnie est recherchée : elle est de chaque fête et de chaque concert, toujours partante pour danser jusqu’au petit matin, aidée par l’alcool et un petit peu de LSD, parfois. On sait qu’avec Maria, on va s’amuser : les discours moralisateurs n’ont aucune emprise sur elle. Pourquoi se sentirait-elle coupable  ? Elle est jeune, n’a aucune responsabilité ni personne à sa charge, et glisse avec une délicieuse légèreté sur son existence.

En achevant sa chanson sur une note tenue pendant près d’une minute, Maria exulte en observant le public se pâmer devant la beauté de son timbre. Marco s’est évanoui dans l’obscurité. Elle conclut sa performance sur un grand éclat de rire, sa marque de fabrique, et c’est comme une extension du morceau, une variation sur un même thème. Sur l’écran cathodique, le score maximal s’affiche, félicitant la chanteuse de conserver sa place sur le podium : à la vue de son classement, une satisfaction jubilatoire s’insinue en elle. Maria s’imagine tel un Soleil qui brille dans la nuit, un Soleil voulant devenir Lune, elle rêve de mutations et d’aller voir ce qu’il se passe sur la face cachée des astres. Elle est flamboyante, et sa vie n’est qu’une longue fête inconséquente. Impossible de se laisser abattre par de sombres pensées  ! Un grand avenir se prépare pour elle : de ça, elle est persuadée.

 

[1] Un morceau de Regine Velasquez, célèbre chanteuse de pop philippine.

[2] Rhum philippin.

[3] Comfort Room, les toilettes aux Philippines.

[4] Chaîne de fast-food très répandue aux Philippines.

[5] Une philosophie désinvolte et quelque peu fataliste que l’on pourrait traduire par « on verra bien », ou bien « advienne que pourra ».

[6] Classe sociale apparue au XIXe siècle et composée d’intellectuels qui ont œuvré pour le nationalisme philippin.

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