Quand la littérature portugaise rencontre la Thaïlande

Depuis nos débuts, en 2009, aux éditions Gope, nous cherchons à diversifier le plus possible les points de vue sur la Thaïlande, car chaque aspect est l’égal d’une pièce d’un puzzle qui, d’ouvrage en ouvrage, prend forme. Alors, quand nous sommes tombés sur cette phrase extraite de O caminho imperfeito (Le chemin imparfait dans sa version française) nous nous sommes dit que José Luís Peixoto nous enlevait les mots de la bouche :

« Je suis allé en Thaïlande et ce n’est pas du tout comme ça. Si j’ai en face de moi quelqu’un qui prononce cette phrase, je souris et je tente d’apaiser mon interlocuteur. […] Si j’entends cette voix dans ma tête, sourire ne résout pas le problème. Alors, je lui demande si elle connaît toutes les Thaïlande et j’attends la réponse qui ne vient pas. Cette Thaïlande-là, c’est la mienne. Comment cette voix peut-elle avoir la prétention et l’arrogance de nier ma Thaïlande ? »

José Luís Peixoto n’est pas une voix nouvelle pour les amateurs de littérature portugaise, mais il le sera à coup sûr pour les amateurs de littérature relative à la Thaïlande. D’autres se souviendront qu’à l’instar de la France, le Portugal a une longue histoire commune avec le Siam.

Il n’en fallait pas plus pour que les éditions Gope demandent à Patricia Houéfa Grange, traductrice et poétesse, auteure de Cette Malaisie lah !, de traduire O Caminho Imperfeito en français. Voici son compte rendu de lecture :

« Quel voyage ! Pardonnez-moi pour le délai de lecture, mais c’est le genre de livre dont on n’a pas envie de sortir, dont on voudrait prolonger indéfiniment la lecture. Je n’avais jamais rien lu de tel, peut-être parce que je n’avais encore jamais lu Peixoto, impossible pour moi de comparer avec ses autres œuvres.
Le livre commence avec la découverte de fragments de corps humains trouvés dans des colis, dans un bureau de poste de Bangkok. Puis, l’auteur nous fait traverser différents lieux liés à ce fait divers. Cette quête liée aux paquets macabres s’insère en déambulation au cœur d’autres déambulations. Le récit n’est linéaire ni dans l’espace, ni dans le temps. L’auteur entremêle plusieurs voyages en Thaïlande, plusieurs voyages à Las Vegas, mais également divers moments de sa vie au Portugal. Le tout étant uni par des liens subtils et sensibles.
On découvre ainsi, à travers ces cheminements, une Thaïlande très éloignée non seulement de celle des dépliants touristiques, mais aussi de celle des voyageurs plus attentifs et curieux.
L’ensemble dessine une véritable réflexion-méditation sur ce qu’est le voyage, ce qu’est l’acte d’écriture, ce qu’est la vie et le sens de tout cela. C’est également une réflexion-méditation sur la transmission de père à fils. L’auteur a perdu son père alors qu’il était encore bien jeune et porte ces perte et blessure en lui tout au long de l’ouvrage (même s’il ne le dit pas ainsi). En écrivant ce livre (et certainement les autres, mais particulièrement ce livre-là), il veut transmettre quelque chose à ses fils.
Voilà, je suis encore presque bouleversée par cette lecture. C’est un livre qui appelle, je pense, une lecture lente, comme le sont la marche et la déambulation d’un voyageur observateur. Il appelle des pauses entre les chapitres plus ou moins longs. Ce livre est un voyage en lui-même et je l’ai lu plus vite qu’il ne m’y invitait. Il y a certainement bien d’autres choses à en dire, mais je pense avoir dit l’essentiel. »