Livres ayant pour thème ou cadre l'Asie du Sud-Est

Ma très aimée et respectée mère, je vous écris de Thaïlande où...

Disponible
Botan
Roman épistolaire
12,5 x 20 cm
562 pages
ISBN 978-2-494118-14-0
23 €
frais de port inclus (France et international)
Expédié sous 4 à 5 jours

Résumé

En 1945, Tan Souang Wou fuit la pauvreté d’après-guerre de sa Chine natale pour tenter de réussir en Thaïlande. Alors qu’il est encore sur le bateau qui va l’amener à Bangkok, il commence à écrire des lettres à sa mère et continuera pendant une vingtaine d’années après son arrivée. Nous suivons ainsi son installation dans le quartier chinois de la capitale thaïlandaise, ses succès en affaires et assistons aux vicissitudes de sa vie familiale.

Homme rigide, à cheval sur des principes issus de sa culture chinoise, Tan Souang Wou rencontrera de nombreuses difficultés à s’adapter aux mœurs du pays et à une modernité conquérante qui feront vaciller tout ce qui avait de la valeur à ses yeux.

Ma très aimée et respectée mère, je vous écris de Thaïlande où… a reçu le prix de littérature décerné par l’OTASE en 1969, l’année de sa publication, et a connu un grand succès. Il a fait partie des cursus scolaires dans l’objectif de faciliter l’intégration des Thaïlandais d’origine chinoise.

L'auteur

Auteure sino-thaï d’une soixantaine de romans et nouvelles, Supa Sirisingh (1945 – ), alias Botan, est également éditrice et auteure de livres pour enfants. Elle s’est vue conférer le titre d’Artiste national de Thaïlande en 1999. Nombre de ses livres ont été adaptés en séries télévisées.

Extrait

Ma très aimée et respectée mère, je vous écris de Thaïlande où…

Roman épistolaire de Botan

 

Lettre no 2

Khlong Ong Ang, rue Sampheng, Bangkok

18e jour du 7 e mois lunaire, année du Coq

25 août 1945

 

Ghim et moi sommes déjà installés chez Lo Ngouan Thong ; sa maison familiale est située dans un quartier chinois appelé « Sampheng ». Je vous écrirai de nouveau ce soir et vous décrirai tout en détail, ainsi que mon nouveau travail, mais dans une autre lettre. Je suis pressé de vous expédier celle-ci avec celles que je vous ai écrites sur le bateau, car Père m’a proposé de les poster tout à l’heure en retournant au port.

Ce matin, je suis monté sur le pont à la pointe de l’aube pour admirer le soleil de Thaïlande. Un beau soleil tout jaune, tout rond, qui brille avec plus d’éclat ici à Bangkok que chez nous à Po Leng. Ses rayons sont comme des langues brûlantes qui viennent vous lécher les bras. Père m’a appris que nous étions en pleine saison des pluies et que les fermiers étaient occupés chaque jour, du matin au soir, à planter le riz dans les champs. Ils ont aussi une saison chaude et une saison froide que Père m’a décrite comme étant à peine un peu moins torride que celle dite « chaude ».

Lorsque le navire se mit à bouger avec la marée montante, les gens remontèrent caisses, sacs et ballots sur le pont. Pour la plupart d’entre eux, c’était probablement tout ce qu’ils possédaient en ce bas monde. Je dépassai Seng qui s’écarta abruptement. Ghim me tira par le bras :

— Qu’allons-nous faire maintenant ? murmura-t-il. Seng est encore furieux contre toi et contre moi, car je suis ton ami. Comment pouvons-nous nous présenter à son oncle si lui-même se refuse à lui parler de nous ?

— Bien sûr que nous n’allons pas aller voir son oncle. Je vais travailler chez un cousin de Lo Yong Djoua…

— Oui, mais moi ? m’interrompit-il dans un cri. Que vais-je faire, où vais-je aller ?

— Veux-tu bien me laisser finir ? Penses-tu que je vais t’abandonner ainsi sur le pont ? Ou te laisser ramper aux pieds de Seng ? Au pire, si tu étais perdu dans Bangkok, nos compatriotes t’aideraient à t’en sortir. Père dit qu’il y a des comités d’entraide dans chaque quartier chinois qui soutiennent les gens sans travail ou en difficulté…

— Où sont-ils ? Avant qu’ils ne me repèrent, j’aurai eu le temps de mourir de faim.

— Suffit ! Viens avec moi, nous allons demander à Père de parler de toi à son cousin. Ils s’occuperont de toi au moins jusqu’à ce que tu trouves quelque chose. Le peuple chinois n’a pas pour habitude d’abandonner l’un des siens.

— Que se passera-t-il s’il dit « non » ?

— Il sera encore temps de s’en inquiéter, à ce moment-là.

— Souang Wou, tu as déjà un travail. C’est facile pour toi de me parler comme tu le fais. « Ne t’inquiète pas Ghim… », « On se débrouillera plus tard, Ghim… » Tout cela à cause de ta stupide bagarre, mais qui en fait les frais ? Le vieux Ghim, comme d’habitude.

— Ah oui, et qui criait « Rosse-le, Souang Wou ! » pendant que Seng tentait de m’éborgner ? Ah ! Ghim, tu aurais dû rester à la maison choyer ta femme. Je t’ai dit que j’allais t’aider, alors arrête de geindre ainsi ou tout le monde va croire que c’est ta femme qui te manque. Tu te couvres de honte.

— C’est vrai qu’elle me manque et je n’en suis pas honteux. Nous ne sommes mariés que depuis un an.

— Alors, pourquoi es-tu venu ?

— Parce que je voudrais avoir un morceau de porc à manger chaque jour ; et puis, tu n’es pas le seul à vouloir faire fortune en Thaïlande.

— Dès que tu seras riche, tu pourras faire venir ton épouse. Mais tel que je te connais, tu auras une nouvelle femme avant que six mois ne se soient écoulés… Peut-être même une petite fauvette thaï bien en chair.

Il fut froissé par ma remarque et, pour changer, garda le silence. Nous nous appuyâmes sur le garde-fou du pont et, tout en nous protégeant les yeux de la main contre le soleil aveuglant, nous nous mîmes à observer la côte thaïlandaise. L’eau très haute me laissa supposer que les récoltes seraient abondantes. Il y a aussi beaucoup de grands arbres, dont plusieurs que je découvre pour la première fois et de nombreux cocotiers. Je me demande ce qu’ils peuvent faire avec autant de noix de coco !

Finalement, nous sommes entrés dans le port de Bangkok et avons accosté. Les passagers, hommes, femmes, vieillards et enfants, ou de jeunes hommes comme nous, se sont mis à parler et à circuler en tous sens sur les ponts, se félicitant mutuellement d’être arrivés à destination sans encombre, lançant dans les airs des bébés souriants, et trébuchant sur les caisses et ballots. Les canards caquetaient follement, battant de leurs ailes les parois de grands cageots en bambou ; de petits cochons reniflaient, grognaient et décochaient des ruades qui projetaient la paille hors de leurs cages. Même les animaux semblaient comprendre qu’une nouvelle vie commençait. Une jeune femme, assise sur une vieille malle, pleurait en silence tout en allaitant son enfant. Je me demandai pourquoi elle était venue, pourquoi tous ces gens étaient venus ; combien de rêves individuels erraient au-dessus de cette foule bruyante ? Nous sommes tous venus tenter notre chance et, peut-être, faire fortune dans un nouveau pays ; l’heure des illusions, des projets est révolue ; il est temps de laisser nos vieux rêves derrière nous. Peut-être est-ce la raison pour laquelle cette femme allaitant son bébé était en train de pleurer ; il est toujours triste de quitter un vieux rêve, surtout lorsqu’il est devenu le seul but de toute une vie. Pour la plupart de ces gens, l’arrivée du Haï Wong au port de Bangkok est l’aboutissement de plusieurs milliers de jours de dur labeur, de privations ; tout ce temps passé à ne songer qu’à sauver quelques sous, jour après jour, durant les bonnes et mauvaises années. Imaginez alors les espoirs qu’ils caressent à leur arrivée en se souvenant de tout ce qu’ils ont sacrifié pour ce jour-ci.

Je n’ai qu’un bagage à transporter, celui que j’ai fait, avec une pièce de coton grossier, la nuit même de mon départ de Po Leng. Il y a aussi un autre souvenir qui ne s’effacera jamais de ma mémoire, même si encore maintenant, lorsque je pense à cette nuit-là, je me revois comme s’il s’agissait d’un autre. Un peu comme si je regardais Souang Wou, tapi derrière sa maison, cousant dehors à la lumière d’une lampe à huile ; puis écrivant un bref message à sa mère (qu’il dut recommencer au moins dix fois avant qu’il ne soit correct) ; rentrant ensuite sur la pointe des pieds dans la maison, déposant la lettre et la lampe à huile sur la table de la cuisine, et ressortant. Courant, courant dans l’obscurité, sous une lune pâlotte qui brillait tristement sur le village endormi et les rizières qui scintillaient dans le vent froid de la nuit. Sanglotant tout haut lorsque les premières lumières de la ville apparurent et que Po Leng disparut derrière la crête de la colline.

— Bonnes nouvelles, dit Père, se hâtant vers nous les bras ouverts. J’ai la journée libre. Dès que nous aurons fini le contrôle des lots de marchandises, je te conduirai chez Lo Ngouan Thong moi-même – ce ne sera pas long.

Ghim me tapa dans le dos.

— Père, pensez-vous que Ngouan Thong pourrait avoir besoin d’un coursier ou d’un homme à tout faire dans son magasin ?

— Eh bien oui, je suppose qu’il pourrait… mais pourquoi cette question ?

— C’est pour mon ami Ghim. Il n’a pas de travail. Lui et son… ami Seng se sont disputés.

Ghim resta bouche bée et je lui lançai un regard meurtrier.

— Je pense que cela ira, dit Père. Bien, bien, une dispute… une dispute avec votre ami Seng, hein ?

Il scruta le visage anxieux de Ghim.

— Si je vous recommande, travaillerez-vous dur ?

— Ou-oui, Monsieur ! dit-il tout en s’inclinant raidement.

Père s’en alla précipitamment, esquissant un sourire satisfait.

L’équipage avait tout préparé pour le départ des passagers et la passerelle avait été mise en place. Seng se tenait debout, quelques mètres plus loin, appuyé sur le garde-fou, l’air suffisant. Il attendait que nous venions mendier son pardon afin de pouvoir nous humilier en face de son oncle, Teh Lim. En regardant en bas de l’appontement, j’aperçus un homme entre deux âges, bien habillé, souriant et faisant signe de la main dans notre direction. Seng le vit à son tour, il leva son bras et cria :

— Oncle Lim ! C’est moi, Teh Seng !

Il se retourna vers nous et, progressivement, son air suffisant fit place à l’étonnement. Il commença à comprendre, continua de nous fixer encore quelques instants, puis balança son sac par-dessus l’épaule et descendit vers le wharf d’un pas pesant. Il s’approcha de Teh Lim, déposa son barda et le salua en s’inclinant respectueusement. Ensuite, il se retourna, nous pointa du doigt et se mit à parler d’une voix forte :

— Là-haut, se tiennent Souang Wou et Ghim ! Je leur ai offert mon amitié, mais ils l’ont trahie, ces deux chiens qui courent ensemble ! Laissez-les repartir à Po Leng et travailler dans les champs comme des bœufs !

Fier de son exploit, il nous tourna le dos.

Le pauvre Teh Lim eut l’air vivement embarrassé et jeta rapidement un coup d’œil autour de lui afin de vérifier si quelqu’un avait pu surprendre la brillante performance oratoire de Seng. Se mit-il à douter de la sagesse d’avoir importé ce drôle de neveu ?

Père termina enfin son travail et, plein d’entrain, nous fit descendre vers le quai tout en continuant à lancer ses dernières instructions à son équipage. Alors, soudainement, nous fûmes là, les deux pieds sur le sol thaïlandais, entourés de centaines de coolies qui nous poussaient du coude en galopant en tous sens, courbés sous de lourds chargements.

— Souang Wou ! s’exclama Ghim, apeuré. Ce travail est plus pénible que cultiver le riz !

— Peut-être bien, mais grâce à ce labeur, ils gagnent suffisamment d’argent pour en faire parvenir une partie à leurs enfants et femmes restés en Chine.

Je ne voulais pas entendre davantage de jérémiades. Surtout en ce moment où je débarquais sur le sol thaïlandais.

Depuis le dock, je pouvais voir la cime d’arbres et les flèches de stoupas et de temples. Cette terre est bouddhiste.

J’espère trouver ici paix, bonheur et prospérité.

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