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L’un des charmes de la capitale thaïlandaise se dévoile lors de douces matinées où le soleil se pointe tôt. Il vient effleurer les immeubles et, au hasard des rayons, par un jeu de miroirs, faire scintiller un bord vitré. À Bangkok, on attrape ces reflets en se promenant nonchalant dans les grandes rues, dans les canaux déjà en mouvement, dans les multiples temples silencieux ou au beau milieu des parcs toujours verts. C’est au parc de Lumphini, ce lieu historique du centre-ville, que ces exquises lueurs viennent se donner. Elles se plongent dans les plans d’eau pour finir dans des yeux à demi clos, car ce parc s’éveille dès 4 h 30, ouvrant largement ses grilles dans l’attente du jour, des habitués et de l’effervescence quotidienne.
Quelques instants plus tard, les premières échoppes viennent camper devant chaque entrée ; il y a, évidemment, celles de nourriture ou de plats à emporter, celles de café et pathongko frais ; il y a une série de stands de jouets made in China, peut-être aussi un kiosque ou un cireur de chaussures caché derrière la toile de tente d’une astrologue qui observe régulièrement ses cartes et le soleil.
À peine plus tard, les marchands autorisés s’infiltrent dans le parc, balisant leurs zones de commerce en sortant tables et chaises ; certains allument une bouilloire pour servir du thé toute la journée.
À l’intérieur, le fourmillement s’accélère, les fidèles débarquent en petit nombre. On les reconnaît facilement pour les retrouver tour à tour dans leurs emplacements pas vraiment réservés, mais bien à eux : le groupe des bleus pour une séance de tai-chi, celui des verts pour l’aérobic ; ouverture de la danse par des couples en jaune ; des bodybuilders multicolores transpirent sur des appareils et de rares joggeurs passent, en sueur. Le club des sportifs semble désert, il est peut-être trop tôt ou déjà trop tard ; n’empêche, on aurait aimé y croiser de jeunes boxeurs thaïs qui s’apprêteront à combattre le soir même dans le célèbre ring d’à côté. Sur les tables en pierre, les damiers gravés laissent place à des plateaux pour buveurs de café ou de thé qui reparlent d’une fameuse partie d’échecs.
Il se dégage une atmosphère paisible, feutrée, de ce grand parc que la statue du roi Rama VI, droit, protecteur éternel de cet éden, domine.
Lors de cette mélancolique promenade, on aura repéré au bord du lac, et à côté des barques échouées, des pédalos bien rangés ressemblant jadis à de candides cygnes blancs ; il y aura aussi des familles de canards et des bancs de poissons-chats qu’il faudra nourrir de pain et de graines, de façon amusée. Après une bonne heure de flânerie, il serait sage d’écourter cette balade pour un coin de fraîcheur. Alors, pourquoi ne pas entrer dans la petite bibliothèque au beau milieu du parc, célèbre pour avoir été le tout premier lieu de lecture de Bangkok ? Ou alors, si vraiment trop épuisé, on n’aura pas d’autre choix que de se jeter dans un taxi climatisé.
Jean Maury
Version révisée par les éditions Gope, janvier 2017
Texte extrait de Sous le ventre de l’éléphant blanc qui peut être acheté ici
© illustration : Captain Kimo, 2012
Maison d’édition indépendante ayant pour vocation de faire découvrir la Thaïlande, Hong Kong, la Malaisie, l'Indonésie, le Cambodge... par le livre