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Bangkok - Autour d’un authentique som tam

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Manger en Thaïlande est une institution et chacun est en droit de réclamer son plat favori, pimenté sans retenue ! Restos de rue où l’on emporte ses mets délicatement versés dans une boîte accompagnée d’un petit sachet de sauce de poisson et de piments. Restaurants de luxe où des serveurs attentifs apportent un menu illustré et une carte de bons vins.
Quel que soit l’endroit, il ne faudra surtout pas s’abstenir de commander l’entremets indispensable qui, selon la préparation et le tour de main, permettra de féliciter le chef qui s’éternise en cuisine.

Cet entremets, parfois plat unique si accompagné d’une belle ration de riz gluant, est une douce et acide salade de papaye verte fortement dosée en piment dont l’ensemble des ingrédients se révélera sans commune mesure : du citron vert, des quartiers de santol, de petits concombres thaïs, du sucre de canne, de la sauce de poisson, des cacahuètes… Tout le secret d’un som tam réussi est de s’autoriser ou non à y mettre sans excès des crevettes séchées ou de petites tomates, bien que le succès réside dans le subtil dosage de ces composants ajoutés au fur et à mesure dans un mortier centenaire.
D’ailleurs, du début à la fin de la préparation, un poc ! poc ! régulier de l’action du pilon dans le pot signifiera la bonne confection de la mixture, avec parfois des silences trahissant la pause gustative du préparateur ; cette sonorité résonnera comme un cri de ralliement pour les convives auxquels vient déjà l’eau à la bouche. Ils se seront probablement rassurés en demandant si ce som tam est bien assaisonné selon les rites de la région Isan, c’est-à-dire trop largement épicé et au goût rehaussé de pla-ra.
À peine servis et avant même d’y avoir goûté, on reprendra une fois de plus l’interminable débat sur l’authenticité de la recette. Imperceptiblement, la conversation basculera sur cette convivialité à partager une belle salade toute saison, à se régaler avec les doigts, à s’enivrer de goûts et de saveurs, à en oublier la chamaille et se laisser aller fraternellement à des discussions futiles. On se passera volontiers les petits bocaux de piments en poudre, de sauce de poisson, de vinaigre ou de sucre ; la bière locale sera fraîchement servie ou du jus de coco pour les enfants, et l’on se dira qu’un som tam nullement épicé n’est pas un som tam, qu’il fait vraiment doux pour la saison et que l’on est heureux d’être hôte dans ce pays de grands gastronomes.

On se racontera aussi ces sorties où il a fallu se lever tôt pour aller au marché négocier du bétel et des feuilles de menthe auprès de vieilles marchandes sans âge assises en tailleur, scrutant inlassablement leur précieux butin ; inutile de discuter, elles en mettent toujours trop pour une salade encore plus copieuse. On aura hésité à prendre quelques citrons ou tamarins en plus, et si cela ne sert pas pour préparer le som tam du jour, d’autres recettes thaïlandaises sauront savoureusement les accommoder.

Jean Maury
Version révisée par les éditions Gope, janvier 2017

Texte extrait de Sous le ventre de l’éléphant blanc qui peut être acheté ici

© illustration : neajjean, 2008

Maison d’édition indépendante ayant pour vocation de faire découvrir la Thaïlande, Hong Kong, la Malaisie, l'Indonésie, le Cambodge... par le livre

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