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Bangkok - Au temps de Hua Lamphong

TEMPS DE LECTURE : 2 minutes.


Malgré s’être faufilé à droite à gauche, le taxi bicolore quitte difficilement le trafic. Il sera passé par le quartier d’affaires de Sathon, aura pris un flyover à la dernière minute dans Khlong Toei dans l’espoir de gagner du temps et, au beau milieu de Pathum Wan, viendra se ranger sur le côté pour vous déposer sur le parvis de la gare. Ne pas manquer son train, récupérer la valise dans le coffre, le sac à main sur le siège arrière, donner la monnaie au chauffeur et, vite, se précipiter, au cas où.

Là, s’octroyer une pause de quelques secondes en levant les yeux devant la façade néorenaissance du majestueux bâtiment de Hua Lamphong, terminus du nouvel Orient-Express ; oublier l’esthétique des gares modernes, imaginer cette vie d’antan et faire revivre des photos noir et blanc du siècle dernier. Sur le fronton coloré, une horloge propre à ces vieux monuments rassure ; on se surprend à suivre les mouvements de la grande aiguille comme si, face au trafic incessant, ces quelques secondes figeaient le temps. Plus de précipitation, rythme ralenti, même les ventilateurs semblent tourner moins vite. Pas la peine de courir, il y a quelque chose d’intemporel à pénétrer dans ce lieu.

Le large hall fait face à une vingtaine de guichets, des bancs sont disposés au milieu d’une immense salle d’attente ouverte où l’on retrouve les mêmes voyageurs avec leurs sacs, paniers et cartons plutôt que des valises ou des sacs à dos trop voyants. Visages fatigués et endormis sans savoir si ces passagers sont sur le départ ou forment un comité d’accueil : des bonzes assis sur le côté en quête de pèlerinage, des familles guettent leur patriarche parti prendre des billets, tandis qu’une annonce incompréhensible fait se lever tout d’un bloc un groupe d’étudiants. Sur le côté, sont alignés des cafés restaurants, des marchands de souvenirs, une vieille pharmacie et une cantine ravitaillant pour quelques bahts des militaires en permission.

Trouver le bon comptoir des destinations du Sud pour acheter son ticket, en cherchant des yeux l’affichage des horaires. Ceux-ci sont immuables, inscrits à la main sur une immense pancarte ; histoire de ne pas affoler les voyageurs, il est même noté sous le portique de chaque quai que les trains partent généralement aux heures indiquées. Pour un prix dérisoire, on s’offre une vraie première classe ; l’agent indique qu’un train est à l’approche mais que des inondations risquent de le retarder.

C’est ainsi ; il reste alors suffisamment de temps pour aller à l’office du tourisme caché sous une charpente métallique en ignorant les rabatteurs présentant des tarifs douteux sur des hébergements trop chics. Deux jeunes viennent dire un bonjour en anglais, ils partent aussi pour le Sud mais pour deux jours seulement. Profiter de leur sympathie pour trouver le quai qui vient justement de changer. On franchit les tourniquets pour débarquer sur les plates-formes étroites et vides de tout train, des dizaines de marchands sont, eux, sur le qui-vive pour vendre du poulet, des herbes, des fruits.

Un train approche, des passagers descendent en marche pour éviter d’être alpagués par ces vendeurs qui s’engouffrent. Attroupement de revendeurs, chauffeurs, porteurs en tous genres ; se faufiler sans perdre sa lourde valise, se ranger sur le côté, ne pas rater son train. Laisser passer cette agitation éphémère d’un marché improvisé, puis observer et discerner au loin la silhouette d’un train express qui semble s’approcher lentement, très lentement.

Jean Maury
Version révisée par les éditions Gope, janvier 2017

Texte extrait de Sous le ventre de l’éléphant blanc qui peut être acheté ici

© illustration : TylerIngram, 2012

Maison d’édition indépendante ayant pour vocation de faire découvrir la Thaïlande, Hong Kong, la Malaisie, l'Indonésie, le Cambodge... par le livre

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