Livres ayant pour thème ou cadre l'Asie du Sud-Est

Kuala l’impure

Disponible
Brian Gomez
Roman
13 x19 cm
292 pages
ISBN 979-10-91328-74-6
22 €
frais de port inclus (France et  international)
Expédié sous 4 à 5 jours

Résumé

Terry Fernandez est un musicien raté en cavale. Lors de l’enterrement de sa vie de garçon, ses amis ont été assassinés. Il pense qu’il sera le suivant – et il soupçonne le ministre de l’Éducation d’être le commanditaire.

Ning Somprasong est une prostituée thaïlandaise qui, d’ordinaire, ne s’attire pas d’ennuis. Mais un soir, elle serre les dents plus qu’il ne le faudrait et se retrouve avec un sac contenant 18 millions de dollars – et de nombreuses personnes à ses trousses.

Terry et Ning doivent faire équipe pour sauver leur peau. La folle course-poursuite dans les rues de Kuala Lumpur entraîne aussi dans son sillage : un chauffeur de taxi qui voit des complots partout, un agent de la CIA, un terroriste dont la mission est d’éliminer les infidèles, un journaliste opportuniste, un policier corrompu et un proxénète dénommé Fellatio Lim qui va découvrir le vrai sens de son nom.

Bienvenue à Kuala l’impure, la nouvelle capitale de l’humour noir !

L'auteur

Journaliste, rédacteur publicitaire, écrivain, musicien et promoteur entreprenant de la scène musicale indé malaisienne, Brian Gomez est un touche-à-tout comme on les aime, doué mais cool, un mec qui n’a pas le melon.

Lorsqu’il prend sa gratte et monte sur scène, il vous met le feu à la salle ! Et lorsqu’il prend la plume, c’est en lettres de feu qu’il écrit Kuala l’impure. Avec un humour irrésistible, teinté de juste ce qu’il faut d’irrévérence, il révèle dans cette comédie tout à la fois tarantinesque et typiquement malaisienne, la situation politico-sociale de son pays où règne une hypocrisie qui peine à masquer non seulement la ségrégation raciale institutionnalisée, mais aussi l’homophobie, la corruption, les crimes impunis et les influences étrangères obscures…

Traduit de l’anglais par Jérôme Bouchaud

Extrait

Chapitre Un

La nuit précédant son accusation pour triple homicide, la seule personne que Terry Fernandez avait brièvement songé à tuer était lui-même. Mais le songe avait disparu, comme souvent chez Terry, avec l’arrivée d’un sixième whisky à l’eau. Avant même que le serveur ne dépose son verre, Terry en commandait un autre sans mot dire (c’était gratuit, après tout – une clause tacite dans tous ses contrats), rien qu’en levant l’index et en arquant les sourcils. Il but une gorgée, établit un diagnostic de cinq secondes sur La Vie et Comment Elle Pourrait Être Si et Seulement Si… et jugeant qu’une gorgée ne suffisait pas, il vida le verre. Puis il le claqua sur la table, en espérant que le serveur le remarque et se magne le cul pour la prochaine tournée.

Dans cette absence momentanée d’alcool, Terry s’autorisa un coup d’œil rétrospectif sur la vie qu’il était sur le point de laisser derrière lui, parfaitement résumée par l’histoire un-temps-potentiellement-fructueuse-mais-aujourd’hui-merdique du Hideout Bar.

Dès demain, Terry ne jouerait plus au Hideout. Ni même n’importe où ailleurs. Et il était surpris de ne pas s’en préoccuper plus que ça.

Il avait fait la même chose pendant quoi, dix ans ? Il se dit que c’était sans doute quatre ou cinq ans de trop. Il savait qu’il aurait dû tout plaquer quand les autres avaient quitté le groupe – son premier groupe.

Ils avaient commencé par jouer du punk rock et du heavy metal dans des bars illégaux et clandestins, où des adolescents malais sans repères et vêtus à la mode nazie venaient prêter allégeance à Satan en sautant dans tous les sens et en faisant semblant de se bastonner.

Leur groupe s’appelait les Merdes Flottantes. Comme chaque fois qu’il y repensait, Terry esquissa un sourire à l’évocation de ce nom.

Les Merdes Flottantes.

Le nom leur était venu parce que, selon eux, ils étaient insubmersibles. « On tirera jamais la chasse sur nous », disait Farouk.

Ils resteraient ensemble quoi qu’il arrive. Ils deviendraient célèbres, joueraient dans des stades remplis, baiseraient des groupies à ne plus savoir qu’en faire. Comme les Rolling Stones.

Trois ans ils se forcèrent à jouer dans des bars quelconques avant que la réalité ne les rattrape.

Daniel fut le premier à se barrer. Lassé de l’anonymat collant à la peau d’un bassiste, il avait quitté le groupe pour rejoindre les feux éblouissants d’un bureau en open space, quelque part, pour branler quoi, Terry ne le savait toujours pas.

Alan et Farouk s’étaient barrés parce que… ben, ils s’étaient barrés, point. Fatigués d’essayer de s’accrocher à des rêves fuyants de rock stars dans un pays où tout le monde, publiquement du moins, se complaisait dans la conformité.

D’autres groupes s’étaient formés ensuite, mais Terry en avait eu sa claque des autres musiciens, tous aussi égocentriques et pète-couilles les uns que les autres. Trop de « différences artistiques » et d’engueulades envenimées par l’alcool l’avaient laissé sans le moindre souffle – sans même la moindre passion.

Maintenant, c’était juste lui et sa guitare acoustique, jouant dans des bars où les clients n’en avaient rien à cirer de lui ou de sa musique. Des bars comme le Hideout, où des quadras venaient se plaindre de leurs femmes, de leurs boulots, du Gouvernement, de George W. Bush, du Bon Dieu et de n’importe quel autre sujet à la con qui les mettait en rogne.

Terry les détestait tous. Et il détestait leurs femmes, leurs boulots, le Gouvernement, George W. Bush et le Bon Dieu pour les avoir amenés jusqu’ici.

Il était temps d’aller voir ailleurs. Son plan musique n’avait pas pris. Putain, les gosses d’aujourd’hui n’écoutaient même plus de vraie musique. Seulement de la rave et de la techno et du hip-hop, avec des rappeurs qui se croient cools parce qu’ils écrivent leurs noms avec des chiffres. Il en avait assez vu. Il était temps pour lui de grandir, comme disait Linda.

Fichue Linda ! se dit-il, et pile poil au bon moment, son septième whisky à l’eau arriva.

Comme si elle savait ce que ça voulait dire, elle, de grandir. Elle était la petite fille à papa qui n’avait eu qu’un seul taf de toute sa vie. Si on pouvait appeler ça un taf.

Tout ce qu’elle faisait, c’était rester assise dans une boutique appartenant à son connard de père. Une boutique sans clients. Une boutique que Linda avait fièrement baptisée Le Boutique – ce qui faisait rougir Terry de honte dès que ses potes en parlaient.

Terry était certain que Datuk Yusof Shamsuddin avait acheté le foutu magasin juste pour virer sa fille de la maison et lui donner ne serait-ce qu’un semblant de travail.

Et maintenant, le Datuk allait lui donner un travail à lui aussi. Non pas que le Datuk en ait envie, bien sûr. Terry savait que si ça ne tenait qu’au Datuk, il serait déjà mort.

Il savait aussi que le Datuk ne pouvait pas comprendre pourquoi sa seule fille, son précieux bijou de fille, allait épouser un loser comme lui. Un putain de musicien de bar, non mais vraiment… Et en plus, il n’était même pas malais !

Le Datuk avait une réputation à maintenir. Il était ministre de l’Éducation, nom de Dieu. Il allait sûrement devenir le prochain Premier ministre. Son seul rival crédible était l’autre salaud de ministre de la Défense, Datuk Razali Ahmad.

Et dans le cirque politique malaisien où la race était une constante incontournable, avoir un gendre non malais et musicien de bar, c’était donner le bâton pour se faire battre. Mais Terry savait que le Datuk était au moins content d’une chose : qu’il soit obligatoire pour les non musulmans de se convertir à l’islam lorsqu’ils épousent un musulman. Il ne perdrait pas complètement la face. Il gagnerait même quelques votes pour avoir converti « l’un d’entre Eux » en « l’un d’entre Nous ».

Terry repensa au début de sa relation avec Linda.

Le Datuk avait tout fait pour qu’ils se séparent. Il l’avait même menacé de « s’occuper de lui ». Et Terry l’en croyait capable. On n’arrivait pas là où il en était sans traces de sang sur les mains.

Mais Linda avait supplié son père, de sa voix oh-si-mignonne et pleurnicharde, pour qu’il accepte Terry. Et comme d’habitude, Linda avait obtenu gain de cause.

Datuk Yusof imposa ses conditions, évidemment. Qu’il laisse tomber la musique, avait-il dit. Linda n’avait pas eu à argumenter beaucoup pour que Terry y consente. Il en avait ras-la-casquette de ce milieu, de toute façon. Ce qui avait nécessité moult pleurnicheries, c’était l’insistance du Datuk pour que Terry intègre comme producteur (quoi que ça signifiait…) le bras télévisuel de la propagande gouvernementale – Radio Televisyen Malaysia. Terry soupçonnait Datuk Yusof de vouloir le faire surveiller en permanence par quelque larbin de service.

Tandis qu’il accordait sa guitare sur scène, Terry se demanda s’il pourrait se faire à cette vie-là et s’il ne faisait pas une erreur en épousant Linda. Au début de leur relation, elle se moquait qu’il ne soit qu’un « paria », comme l’appelait son père.

Ils passaient du bon temps. Ils parlaient de tout. Elle aimait son côté rebelle et dégourdi. Lui aimait qu’elle aime ça en lui.

Mais progressivement (à moins que ce ne soit subitement, Terry ne savait plus trop), cela avait changé. Elle faisait tout un drame dès qu’il refusait de sortir avec ses amis de la haute. Elle attendait de lui qu’il lui offre des choses de plus en plus chères, alors qu’elle savait pertinemment qu’il n’en avait pas les moyens. Puis elle arrêta de se rendre aux bars favoris de Terry, leur préférant de prétentieux lounges à vin et cigares avec de faux noms français comme Lofte.

D’une manière ou d’une autre, elle l’avait aspiré dans son monde à elle. Le monde de son père. Terry se demandait si elle aimait vraiment l’homme qu’il était, et si lui-même aimait la femme qu’elle était devenue. Il se demandait si leur union marquait réellement le début d’une vie meilleure.

— George Bush peut bien m’aspirer la merde du cul ! grogna un client depuis une table pas loin de la scène. Avec une paille ! ajouta-t-il après réflexion.

Ses deux amis opinèrent sombrement du chef, comme s’ils étaient sérieusement convaincus que George Bush devait, pour de bon, aspirer la merde du cul de leur ami avec une paille.

À la vue de tous ces alcoolos, Terry brancha sa guitare et ne put réprimer un soupir. N’importe quelle autre vie sera meilleure que celle-ci, se dit-il.

X

Joe Maniam avait fini de se plaindre de sa femme, de son boulot et du Gouvernement et il s’attaquait maintenant à George Bush. Il se plaignait beaucoup, ce qui lui donnait soif et l’incitait à commander verre après verre.

— Cette tournée est pour moi, dit son ami Siva, sans grande conviction.

— Conneries, conneries, répondit Joe, battant des mains de manière théâtrale et chancelant un peu. T’as bien dit, non ? que t’avais pas obtenu ton augmentation et que ton fichu vampire de femme t’oblige à lui donner la moitié de ton salaire ?

Siva était un peu blessé que Joe traite son épouse de « vampire », bien qu’il l’ait lui-même appelée de la sorte quelques minutes plus tôt. Mais il décida de ne rien dire tant que Joe allongeait pour la tournée.

Les bières arrivèrent et ils burent chacun une lampée.

— Alors. Où j’en étais ? dit Joe.

— Tu disais que George Bush pouvait bien t’aspirer la merde du cul, lui rappela Siva.

— Avec une paille, ajouta Arun, le troisième larron, pour que Joe sache exactement à quel endroit la conversation avait été interrompue.

— Ouais, ouais. C’putain d’enfoiré massacre les gamins irakiens. C’flingueur encule des mômes !

— C’t enculé flingue des mômes, interjecta Arun.

— Quoi ?

— T’as dit « c’flingueur encule des mômes ».

— Nan, j’ai dit qu’il flin…

Au même moment, Joe entendit quelqu’un gratter une guitare. Il se retourna et vit Terry Fernandez sur la scène, ce qui l’irrita un peu car sa tirade contre Bush n’attirerait plus l’attention des autres clients.

— Merci à tous d’être venus au Hideout, commença Terry depuis sa chaise. Je m’appelle Terry et je jouerai trois sets pour vous ce soir. J’aimerais commencer par une chanson de…

— Smoke on the Water ! hurla Joe alors qu’il s’avançait vers la scène en titubant, oubliant totalement le massacre des enfants irakiens.

Ses deux amis applaudirent et sifflèrent pour manifester leur approbation.

Terry se retint de soupirer dans le micro.

— Je m’excuse, mais je ne crois pas qu’on puisse jouer du Deep Purple avec une simple guitare acoustique. Pas Smoke on the Water en tout cas, dit-il.

— Qu’est-ce que tu racontes ? Bien sûr que si, fit Joe. Djank-djank djang, djank-djank djadjang, se mit-il à chanter tout en faisant semblant de jouer le riff d’ouverture à la guitare.

Il était déjà à moitié sur scène.

Plus qu’un jour à tirer, se dit Terry. Plus qu’un jour.

X

Le propriétaire du Hideout s’appelait Jamal Omar, mais tout le monde le surnommait « Pak Jam ». Il avait travaillé trop longtemps comme videur dans diverses boîtes de nuit de Kuala Lumpur avant de finalement économiser assez d’argent pour ouvrir son propre bar.

À l’époque, il avait une idée bien précise pour le Hideout. Il avait acheté un petit espace commercial dans une zone reculée, en espérant que peu de gens l’apprennent. Il voulait toucher une clientèle de niche. Un lieu où l’on viendrait pour écouter du blues en live, pour avoir des discussions éthyliques sur le Sens de la Vie et rentrer chez soi heureux. Ou triste à en chialer, si le blues était vraiment bon. Il savait qu’il ne gagnerait pas beaucoup d’argent, mais il s’en fichait. Après des années à jeter des branleurs bourrés hors de boîtes techno assourdissantes, il aspirait à la tranquillité.

Mais les choses avaient pris une autre tournure.

La zone qu’il avait choisie fut assignée à un développement immobilier de vaste ampleur par le gouvernement provincial. Elle allait être transformée en un havre touristique avec parc d’attractions et rangées après rangées de restaurants, bars et cafés dans lesquels il faudrait commander un grande si l’on désirait une petite tasse. Sa clientèle de niche ne voulait pas être associée à tout ça ; elle mit les voiles.

Et c’est alors que les branleurs bourrés firent leur retour. Des branleurs comme Joe Maniam, debout sur la scène à brailler Smoke on the Water a cappella, sans chanter la moindre note juste.

Pak Jam s’avança vers la scène.

— Descends de là, Joe, dit-il.

Joe Maniam pivota pour faire face à Pak Jam et à son mètre quatre-vingt-dix. Joe se dit qu’il avait l’air d’humeur plutôt calme, quoique quelque chose dans les yeux du mec – une froide impassibilité – lui fît comprendre qu’il ne devrait pas lui chercher des noises.

Mais il ne pouvait pas s’écraser comme ça. Pas avec Arun et Siva dans l’assistance. Merde, ces gars-là le vénéraient. Il ne pouvait pas les laisser tomber, quand même !

— Ou sinon quoi ? rétorqua-t-il d’une voix tremblotante.

Au même instant, il fut pris d’une soudaine envie d’aller se soulager la vessie.

— Qu’est-ce que tu fais dans la vie, Joe ? lui demanda alors Pak Jam, le prenant au dépourvu.

— Euh… Je suis journaliste pour le Malayan Times.

Il avait prononcé « Malayan Times » un peu plus fort pour que le groupe de femmes attablées non loin de là sachent qu’il bossait pour le canard le plus vendu du pays.

— Et ça fait combien de temps que t’es dans le métier ?

C’était quoi ce bordel ? se dit Joe. Un show d’Oprah Winfrey ?

— Vingt-deux ans, répondit-il.

— Et penses-tu, Joe, que vingt-deux ans d’expérience ont fait de toi un meilleur journaliste ?

— Et comment ! Ces putains de jeunes avec leurs cerveaux informatisés à la con n’auront jamais mon flair pour dégoter un sujet. Tu vois ça ? Tu vois ça ? disait-il en pointant du doigt son propre nez.

Il jeta un coup d’œil aux gonzesses pour être sûr qu’elles ne rataient rien du spectacle.

— Serais-tu donc d’accord pour dire, Joe, que l’expérience est importante ? poursuivit Pak Jam.

— Évidemment. L’expérience fait tout ! Tu vois ça…

— Ferme-la et écoute bien, Joe. Moi, j’ai vingt-six années d’expérience dans le défonçage de gueules de mecs encore plus grands et plus forts que toi. Je suis doué pour ça, Joe. Putain de doué. Comme tu dis, l’expérience fait tout. Je ne défonce plus de gueules ces temps-ci parce que je n’aime pas ça. Mais dans ton cas, Joe, je pourrais bien m’y remettre. Ce que je veux que tu fasses, c’est que tu prennes le micro, puisque tu aimes tellement faire ton intéressant, et que tu t’excuses auprès des gentils clients de ce bar de les avoir autant emmerdés. Après, je veux que tu t’excuses auprès de Terry d’avoir interrompu son set. Et après, Joe, je veux que tu t’excuses auprès de Deep Purple pour avoir massacré leur chanson. Et enfin, je veux que tu descendes de la scène. Tu peux faire tout ça pour moi ou pas, Joe ?

Tandis que Pak Jam parlait, Joe sentit quelque chose de chaud goutter dans son pantalon. Il ne pouvait pas croire ce qui lui arrivait. Il voulait s’enfuir en courant, mais il ne pouvait pas partir comme ça. Il n’était plus question de Siva et d’Arun désormais. Qu’ils aillent se faire foutre ! Mais les femmes. Des femmes assistaient à tout ça. Il lui fallait préserver ne serait-ce qu’un peu de fierté. Il tenta de trouver une réplique percutante.

— Et qu’est-ce que tu vas foutre si je refuse ? fut tout ce qu’il lui vint à l’esprit et il fut aussitôt déçu de lui-même.

— Je vais te disloquer le pouce, dit Pak Jam.

Il va faire quoi ? se dit Joe. Il n’avait jamais entendu pire connerie, et pourtant la nature de la menace, si spécifique, le terrifiait. Il réfléchit à un autre bon mot.

— Va te faire mettre lah, dit-il, regrettant illico ses paroles.

Le poing de Pak Jam s’écrasa sur sa bouche et il sentit ses incisives se briser avant qu’il ne s’écroule par terre.

Le silence s’empara du bar et le seul son audible fut un violent craquement au moment où Pak Jam disloqua le pouce de Joe Maniam.

Joe était étendu au sol. Il se rendit compte avec effroi qu’il pleurait.

— T’u m’as caffé les dents ! hurla-t-il en crachant du sang.

— Il fallait que je te les casse, Joe, pour l’effet de surprise. Je devais te surprendre afin d’avoir assez de temps pour te disloquer le pouce, et je t’avais bien prévenu que je le ferais, n’est-ce pas ? Je ne suis plus aussi rapide qu’avant, tu sais, dit Pak Jam. Alors, qu’est-ce que tu vas faire maintenant, Joe ?

— Hein ?

— Tu sais bien ce que tu dois faire, non ?

Joe savait très bien ce qu’il devait faire, mais il n’en revenait pas de se trouver sur le point de s’exécuter. Il se remit debout, maudissant Arun et Silva de ne pas l’avoir aidé. Il tituba jusqu’à la scène et prit le micro.

— J’e m’ek’cuje auk’rès des k’ients p’our le déranj’ement.

— Et ?

— Et auk’rès de Tek’y p’our av’oir int’er’omp’u fon fet.

— Et ?

Il se foutait de lui, pensa Joe. Les mecs de Deep Purple n’étaient même pas présents, bon sang de merde ! Étaient-ils même encore vivants ? Puis il vit le regard froid et dur de Pak Jam et il se dit que non, après tout, il ne devait pas se foutre de lui.

— Et auk’rès de Deep Puk’ple p’our av’oir maffak’é leur fanfon, dit-il enfin avant de s’enfuir du bar en courant, bousculant en chemin clients ricanants et tables.

Satisfait, Pak Jam leva le pouce en direction de Terry.

Terry fit semblant de prononcer un « merci » en retour puis reprit le micro.

— Comme je disais, j’aimerais commencer par une chanson de Robert Johnson.

Et Terry joua le blues.

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